Discours de Mr Boisard, adjoint au maire à la culture, le vendredi 14 septembre 2018 à la mairie de Villemur
M. le Président de la Communauté de communes et Maire de Villemur,
Mme le Maire de La Magdelaine et MM. Les Maires des communes du Born, de Bondigoux, Layrac, Mirepoix-sur-Tarn, Villematier,
MM les élus des communes de l’ancien canton de Villemur,
Mmes, MM les Présidents, délégués et membres des associations patrimoniales,
Mesdames, Messieurs.
Présenter le dernier ouvrage du père Christian Teysseyre relève à l’évidence de la gageure. La parution de ce troisième tome d’une trilogie qui représente 2500 pages, des années de recherches et de collecte de données patiemment rassemblées auprès de personnes, d’institutions, et surtout d’archives minutieusement analysées, décortiquées, soumises en quelque sorte à la question, est un événement pour nos communes qui vont désormais disposer d’un ouvrage de référence, aussi exhaustif qu'on peut l’imaginer de la part de l’auteur.
Sans doute parlera-t-on dans quelques années du « Teysseyre » comme on parle encore du « Sevène » et s’y reportera-t-on avec la même confiance, j’allais dire avec la même vénération. Amédée Sevène, qui publia sa « Notice sur Villemur » en 1898, sur les presses de l’imprimerie Brusson Jeune, tout se rejoint.
Au-delà de l’outil de référence pour le chercheur, l’ouvrage de Christian Teysseyre est évidemment d’abord un hommage rendu aux générations passées, à ces ancêtres courageux et frondeurs qui ont bâti notre présent. Il est l’affirmation, la démonstration que notre mode de vie, les valeurs que nous portons, la façon dont nous transformons notre environnement, la manière dont nous vivons aujourd’hui l’intercommunalité, l’attachement à notre patrimoine ; tout cela n’est pas apparu ex nihilo à notre siècle des réseaux sociaux et des écrans triomphants, mais est le fruit de racines séculaires, du patient travail des générations disparues. C’est ce travail que Christian Teysseyre fait remonter à la surface à longueur de pages.
Les noms que portent nos villages, nos hameaux, nos familles, les querelles ou les préjugés qui nous opposent parfois, mais aussi les solidarités dont nous savons faire preuve quand le destin se fait tragique, quand les malheurs de la guerre nous écrasent, tout y est et tout prend sens.
C’est la greffe réussie du vivant sur l’histoire, de cette histoire dont on ne sait pas toujours très bien si on doit l’écrire avec ou sans majuscule, tellement, parfois, la petite histoire a l’art de se faufiler dans la grande…
On apprend tellement de choses dans votre ouvrage : chaque village, chaque hameau, chaque Consulat, selon l’expression de l’ancien régime, fait l’objet d’une étude systématique construite sur le même plan: l’antiquité, le moyen âge, le fil du temps ; puis les données sociologiques, économiques et démographiques et enfin les domaines et les métairies, les personnages et les familles.
Alors, et de manière parfaitement arbitraire, j’en conviens, puisons quelques pépites au fil des pages :
Et déjà, chers amis qui êtes venus en quelques minutes nous rejoindre, sachez qu’il fallait vers 1820 une heure et quart pour venir du Born à Villemur (je n’ose penser au temps qu’il fallait pour y retourner…) , trois quarts d’heure pour venir de Villematier ou de Bondigoux, une heure et quart aussi pour venir de la Magdelaine, une heure de Sayrac.
On apprend aussi qu’une querelle très sérieuse opposa à la fin du Second Empire Bondigoux à Villemur à propos du rachat du pont de Villemur ; qu’un évêque et un général y sont nés, que le Born, longtemps pénalisé par une sécheresse récurrente, est pourtant parcouru par une petite vingtaine de ruisseaux et qu’un prêtre résistant, Julien François Naudin y a vécu : il fut arrêté sur dénonciation et interné à Dachau d’où il fut libéré par les américains. On parcourt le nom des familles de Layrac recensées en 1901, mais aussi la quasi totalité des noms d’habitants figurants sur les registres de 1585. Il y en a 6 pages où l’on se fait se côtoyer Pierre Arnal (le jeune, mais aussi le vieux), qui étaient châtreurs, Pierre Cailhassou boucher en 1790, à qui il est défendu, en 91, de tuer des brebis mais seulement des moutons, et Pierre Gay, pêcheur et pontonnier de Lescalère en 1717.
On apprend que Mirepoix a eu ses premières cabines téléphoniques en 1906, et qu’en 1880, son conseil municipal, trouvant trop faible l’enseignement donné par les sœurs congréganistes, demanda la création d’une école publique de filles (laquelle est devenue, je crois, le restaurant “la cour de récré”, il y a quelques années).
A Villematier, la recension des faits divers est impressionnante : on s’y bagarre beaucoup : des plaintes pour coups et blessures, des diffamations, des tromperies sur la marchandise (vente de lait écrémé, par exemple), mais plus heureusement, on parcourt avec ravissement l’histoire des châteaux, des moulins et des chapelles - dont beaucoup privées - de cette sympathique commune.
La Magdelaine s’illustrera à la Révolution de diverses manières : La constitution civile du clergé faisant des prêtres des fonctionnaires assermentés créera bien des dissensions entre prêtres « jureurs » et prêtres réfractaires, tels les Viguié, Jean et Gabriel. La commune s’illustrera aussi pendant la dernière guerre en participant activement à la résistance, un terrain de parachutage d’armes pour le maquis de Grésigne ayant même été utilisé (c’était à la limite de Mirepoix/La Magdelaine). Il y en avait un autre à Paulhac.
Nos hameaux ne sont pas oubliés, et de nombreuses pages sont consacrées au Terme, à Magnanac, à Sagnes, à Sayrac, Sainte Rafine, ainsi qu’aux communautés disparues, sur lesquelles une chape de plomb et de silence était retombée. Si j’osais cette impertinence, mais après tout, c’est la vocation de votre patron, je dirais que vous les ressuscitez !
Il ne faudrait pas que ces aperçus, tirés du livre, soient l’arbre qui cache la forêt. L’ouvrage, je l’ai dit, est exhaustif et recouvre une quantité incroyable de faits, d’informations, de mise en lumière de notre passé commun. C’est un travail de bénédictin, je l’ai déjà dit et c’est un peu facile, et c’est celui d’un universitaire, soucieux de ne rien oublier, de donner du sens au moindre indice de ce qui redevient notre mémoire collective.
Dans l’hommage que nous rendons aujourd’hui à Christian Teysseyre, je souhaiterais associer, parce que l’histoire est une passion française bien représentée à Villemur, le travail de nos amis du Villemur Historique et tout particulièrement le travail de Jean-Claude François, dont les ouvrages, de grande qualité et de lecture facile, disposent par ailleurs d’un corpus iconographique particulièrement riche.
Merci à vous, père Teysseyre, pour ce superbe travail. Vous honorez nos communes et nos hameaux et vous transmettez ainsi à la postérité un magnifique dépôt de culture et de mémoire qu’il lui appartiendra, à son tour, de faire vivre et de transmettre.
Je vous remercie.
Daniel Boisard, 14 septembre 2018.
Discours de Christian Teysseyre le vendredi 14 septembre 2018 à la mairie de Villemur
M. le Président de la Communauté de communes et Maire de Villemur,
Mme le Maire de La Magdelaine et MM. Les Maires des communes du Born, de Bondigoux, Layrac, Mirepoix-sur-Tarn, Villematier,
MM les élus des communes de l’ancien canton de Villemur,
Mmes, MM les Présidents, délégués et membres des associations patrimoniales,
Mesdames, Messieurs.
Je remercie M. le maire de Villemur pour l’accueil qu’il a bien voulu réserver à la présentation et à la réception de ce troisième tome de notre Nouvelle histoire
de Villemur, pour ses propos aimables et chaleureux, mettant en lumière les ressorts de notre travail et la contribution de celui-ci à servir l’identité du territoire qui a pour nom
Val’Aïgo.
Je remercie M. Daniel Boisard, maire-adjoint à la culture, pour la réalisation de ce moment, pour son investissement inlassablement dévoué et pour la présentation
qu’il a bien voulu faire de notre travail, avec cette lecture pleine de finesse et de sagacité que nous avons déjà goûtée en diverses circonstances.
Un Merci particulier à (Madame) et Messieurs les maires des communes avoisinantes, puisque ce tome aborde quasiment pour la première fois l’histoire de leur
commune.
Le territoire présenté correspondait hier à une partie de la vicomté de Villemur, puis à l’ancien canton de Villemur que nous avons connu jusqu’en 2015, aujourd’hui
composant une grande partie de la communauté de communes de Val’Aigo.
Votre présence atteste l’attention que vous portez au passé proche ou lointain des communes que vous représentez et dont vous avez la charge. Ces communautés ont
besoin d’une histoire qui relient ceux et celles, anciens ou nouveaux venus, qui partageant un même espace de vie. Au cœur des transformations de ce temps, l’appropriation d’une histoire commune
constitue un vecteur d’identité et de mutuelle reconnaissance.
Il m’est donné lors des fêtes locales de vous rencontrer. Je voudrais vous exprimer l’estime que j’ai pour votre engagement au service de vos communes et
communautés. On entend aujourd’hui parler du coût moral et des lassitudes que connaissent des élus devant les charges et les difficultés rencontrées, comme le rappelaient encore mardi dernier un
article de la Dépêche, intitulé « des maires en pleine perte de foi », ou encore ce jour même dans l’interview de M. le Président du Sénat. Je soulignerais volontiers l’importance de la dimension
primordiale de proximité entre les personnes que comporte et développe de manière unique la vie des communes.
J’use volontiers du terme de communautés, terminologie aujourd’hui interrogée et parfois suspectée (en raison du glissement : communauté, communautaire,
communautarisme).
Aucune communauté n’est plus universelle que celle où peut se vivre une authentique humanité. Une approche de la valorisation de la personne à la suite du
philosophe Emmanuel Mounier a pour corolaire l’attention portée à la notion de communauté. La personne se réalise dans la communauté. Il n’est pas nécessaire de souligner la grande proximité
sémantique qu’il y a entre la communitas, la communauté et la commune.
J’ai revu en parcourant les délibérations de Layrac ou du Born ces assemblées de la communauté tenues avant la Révolution au porche de l’église, à l’issue de la
messe paroissiale, comme je les avais découvertes dans les cours d’histoire du secondaire. Ici, elles existaient en chair et en os. Les assistants avaient un nom. Si on s’approche d’eux, on
entend leur délibération, leur préoccupation.
Communauté, je disais ? On peut recevoir volontiers cette définition sociologique présentant la communauté comme « un espace territorial ou social retreint dans
lequel se développent des liens d’interconnaissance fondés sur l’acceptation des règles de conduite et un sentiment d’appartenance. »
Merci à vous tous d’être là, ce soir, de me faire l’honneur et l’amitié de votre présence (sans oublier ceux qui se sont excusés de ne pouvoir être présents) : Mmes
et Messieurs les maire-adjoints, Mmes Messieurs les conseillers municipaux, élus des diverses communes, MM. les maires de Villemur qui ont exercé cette charge de premier magistrat, M. le curé de
l’ensemble paroissial de Villemur (absent), le P. Bachet, les présidentes ou présidentes, et représentants d’associations patrimoniales (AVH, l’ATEV, l’ASPV, etc.). Il me faut encore mentionner
des souscripteurs à cet ouvrage, ceux qui ont œuvré pour que ce livre paraisse : l’éditeur, M. Philippe Galmiche et l’imprimeur M. Nello Gasbarri de chez nous, de Villematier (représenté par son
fils), tous et celles qui m’ont apporté quelque aide, enfin des membres de ma famille. Vous me permettrez d’avoir une pensée pour mon père, Laurent Teysseyre qui se trouvait là présent, il y a
deux ans lors de la présentation des deux premiers tomes.
En célébrant la parution de ce dernier tome, nous honorons le terroir, les communautés villageoises qui forment le Villemurois.
Elles ont une longue histoire propre, originale qui est leur héritage. Nous les avons suivies de l’an 1.000 jusqu’à aujourd’hui. Elles ont vécu les grandes heures
de l’histoire de notre pays et de cette région : la dissidence cathare, les guerres civiles et religieuses, la Révolution française, le mouvement d’excorporation des communautés appartenant à la
commune de Villemur, qui a jalonné tout le XIXe siècle. Il faut enfin ajouter la transformation profonde qui a affecté cette société rurale après 1920, à tous les plans.
Nous ne pouvons oublier une particularité : jusque vers la fin du XIXe siècle, la commune de Villemur constituait les 3/4 de ce qui était alors le canton de
Villemur, héritage du grand consulat de Villemur, ce n’est pas sans éclairer une histoire faite de liens permanents, quelque peu passionnels entre la ville, la cité et ses communautés
rurales.
Par ailleurs on ne peut manquer de relever que toutes ces communautés sauf le Born, les Filhols et Sayrac sont bordées par la rivière du Tarn.
Chacune de ces communautés a son visage et son identité pour ce qui regarde l’organisation du sol, de l’habitat, des propriétés terriennes. On y voit une autre
histoire moins animée par les débats et les soubresauts de la ville de Villemur, mais tout aussi riche de vie.
Partager cette histoire c’est faire que tous aient cet héritage en partage dans ce destin commun que continuent de perpétuer toutes les formes institutionnelles et
de mutualisation ou de vie associative d’aujourd’hui.
Je vous remercie pour l’accueil que vous avez réservé à cette Nouvelle Histoire de Villemur, œuvre de mémoire concernant tout un territoire : chaque communauté
constituant un élément d’une originale mosaïque qu’il m’a été agréable de vous présenter par ce projet éditorial aujourd’hui achevé et remis entre vos mains au service de la transmission…
solidaire par là de tous ceux et celles qui œuvrent dans ce but.
Cette célébration autour de ce troisième et denier tome de notre Histoire du Villemurois, vous avez aimé qu’elle se tienne dans le cadre des journées du patrimoine,
donnant sans détour à l’événement une portée patrimoniale ou la donnant du moins à lire, à tort ou à raison. Il est vrai que cet ouvrage dans son écriture, son architecture, son organisation, ses
matériaux, ses équipements se présentent comme un monument !
Un monument littéraire qui vient prendre place pourrait-on dire à côté d’autres monuments qui désignent et honorent cette ville. C’est en ce sens qu’il s’agit bien
d’un monument patrimonial que des chercheurs et quelques passionnés viendront visiter demain, dans ce bonheur que l’on éprouve de mettre ses pas dans les pas de quelque devancier comme cela me
fut donné dans mon adolescence en lisant Amédée Sevène qui se contentait d’intituler modestement son travail magistral Notice sur Villemur. Ainsi, nous avons conscience, à notre place, de
rejoindre tous et ceux celles qui ont contribué et contribuent à mettre en lumière le patrimoine culturel et spirituel de ce pays, aujourd’hui dénommé Val’Aigo.
Je voudrais pour terminer reprendre la lecture de géopolitique que m’a inspirée ce travail sur le Villemurois :
– C’est d’abord du Xe au XIVe siècle, la position et le rôle d’interface entre le Toulousain et l’Albigeois : une orientation Nord-est/Sud, au temps de la famille
des Villemur.
Axe vertical, devenant carrément Nord/Sud au temps de la famille de Via ou de la Voie, avec le vaste territoire allant d’une ligne Fronton-Vacquiers et jusqu’au
Tescou, pays intermédiaire entre le Toulousain et le Quercy.
– Par la suite, à partir du XIVe siècle c’est désormais la rivière du Tarn qui va constituer le nouvel axe, avec la variante Montauban Castres, espace qui par
ailleurs correspond à l’entité administrative du diocèse civil du
Bas-Montauban, dans cette bande allant de Montauban jusqu’à Mézens et aux portes de Saint-Sulpice. Cet axe horizontal est l’axe du développement économique avec le
Tarn, le commerce et la circulation des biens ; c’est aussi l’axe politique des villes protestantes de Montauban à Castres, au temps de la Réforme et des guerres civiles et religieuses. On notera
que l’axe du Tarn était déjà celui de l’Antiquité.
– C’est avec la Révolution et la position extrême du canton de Villemur dans le département de la Haute-Garonne (surtout après la création du département du TGne en
1808) que Villemur va perdre son positionnement d’interface. Villemur se trouve dès lors à l’extrémité du département, au terme de la ligne Toulouse-Villemur : la création de la Départementale 14
et le nouveau pont construit en 1833 donnent forme à cette nouvelle orientation. Le Tarn passé, on débouche sur la gendarmerie (quand la rue J-M. Elie Brusson n’existait pas) et les coteaux. Le
Quercy va devenir plus lointain. De plus, la perte progressive de l’importance de la rivière et de la relation entre Gaillac et Montauban va faire entrer Villemur dans une définition plus floue,
Villemur devient un terme. Cette cité n’est plus un maillon d’une chaîne de villes, comme elle l’était d’abord entre le Toulousain et le Quercy, puis entre Montauban et Castres. Elle n’a plus
cette fonction de passage et de passeur.
On a aimé souligner ce rôle éminent du Villemurois aux carrefours de divers pays tout au long de l’histoire.
La recomposition de l’espace et son élargissement aux entités administratives d’aujourd’hui ont rendu caduque cette fonction,
excepté l’intercommunalité créée, le Val’Aigo, qui retrouve une axialité naturelle, celle du Tarn, un ensemble allant aujourd’hui de Buzet à Villemur, territoire
partageant un même destin.
Notre travail peut contribuer à dire quelque chose de ce supplément d’âme – selon le mot de Bergson – dont toute réalité humaine a besoin.
Je vous remercie.
Christian Teysseyre, 14 septembre 2018.